Quantcast
Channel: le ravaudeur
Viewing all articles
Browse latest Browse all 345

Dead Man

$
0
0
Nous avions vu, nous étions jeunes encore, dans un tout petit cinéma -il en existait tant!- près de la mosquée de Paris si ma mémoire est bonne, tu t'en souviendrais, un homme en noir et blanc mourir sans le savoir, voyager sans rien voir que sa propre myopie dans les arpèges électriques d'un fantôme de western, un spectre de poète anglais.Stupid white man disait, si je me souviens bien, un gros indien qui citait William Blake tandis qu'un autre, qu'on ne voyait pas, tendait sur le récit les arcs de sa guitare. Jamais il n'avait été donné, dans un noir et blanc d'outre-tombe, à voir semblable catabase, et jamais spectateurs nous n'avions jusque là cru marcher parmi les morts, entre massacres et trophées, la tête de Mitchum aux cheveux gris beurrés comme un pharaon du Far-West, un fantôme d'après le western, des animaux dont il ne restait, une fois l'homme blanc passé, que des fourrures, des peaux tannées, des bois qui ornent les cheminées. La leçon, nous l'avons comprise, prise pour nôtre, ce qu'il disait ce film d'os, de crânes écrasés et de vers récités, c'est qu'à peine né on est déjà mort, même les jeunes gens sont des fantômes consentants, qu'il faut remonter le temps dans d'imporbables chemins de fer, mais que les fleuves, on les descend allongé dans un canoë, on ne franchit pas le Léthé, on en suit juste le courant; il est juste de s'effacer lorsqu'à l'estuaire l'océan vous prend, qu'on en est glacé, mort depuis longtemps, bercé par les vers que dit le gros indien, et longtemps ces images sont restées en nous, même si nous n'en parlions pas souvent.

Viewing all articles
Browse latest Browse all 345

Trending Articles