C'est bien tranquille ici, la lumière du matin ruisselle sur la buée des carreaux, tu l'aimais bien je crois, ma vieille maison, tu n'y venais pas souvent, trop petite au bout d'un moment pour toi, ton mari, tes enfants, bien assez grande cependant pour mes besoins même si, au bout de vingt ans, elle déborde de livres, de disques, de gravures. Il faudrait que je jette, il faudrait faire place, les vieux vêtements, les draps usés, faire des chiffons, donner au secours populaire ce qui peut encore se porter, il faudrait ranger, on croit ranger, on se perd, je n'ose monter au grenier. Les greniers, c'était avec toi, c'était à Honfleur, on pouvait s'y perdre, il y en avait plusieurs, avec les restes d'un théâtre de marionnettes, de la poussière de charbon qui nous trahissait quand nous redescendions, les claies où l'on gardait les pommes l'hiver. La cave nous était interdite, pas les greniers, mais il y en avait de cachés, maman nous l'avait dit, avait parlé d'Yvon coincé dans un vasistas lors d'une exploration, c'était tout un monde où nous n'étions qu'en vacances, et notre enfance survolait l'enfance de maman, nous n'en cherchions pas les secrets, il nous suffisait qu'ils existent, les greniers cachés, on les rêvait c'était plus sage, ne pas profaner l'espace des contes, ne pas réveiller les monstres qui dorment sous les charpentes, je m'y tiens encore aujourd'hui, même si maman n'est plus là pour nous raconter son enfance heureuse, et moi seul à me souvenir.
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