Et dans la nuit prolongée du chagrin des filles, des femmes qui sont la nuit déchirée par les phares blancs des hommes, dans la violence intrinsèque à ce monde où l'on jouit et tue d'un seul geste, la stupeur d'être, mais pas du clan des chasseurs. L'horreur de te savoir absente, rendue au rien, et le dégoût recommencé à l'idée que le père va bien, qu'il te survit pépère, qu'il travaille pénard à l'oubli, que ta mort n'a pas suffi à l'accabler pour son crime. L'oubli auquel il travaille, artisan virtuose de la mauvaise foi, t'ensevelit toi l'enterrée dans le silence qu'il génère: il a le temps pour lui, le temps travaille à l'oubli, le temps t'ensevelit, le père, c'est un petit Chronos minable, rabougri, qui voudrait digérer jusqu'à ton souvenir, t'ensevelir d'un temps plus épais que la terre, et je n'ai que des pierres contre son appétit. Je lapide le temps pour que tu me reviennes au hasard des odeurs, des lumières, des étoffes, mais tu me reviens moins, je crains que ta lumière s'éteigne tout à fait avec la mienne, tout à fait étouffée par l'étoupe du temps -C'est la vie, disent les imbéciles- avec la mienne quand me frappera l'aile, quand le souffle me manquera, quand de ma cervelle épuisée nul pli ne recèlera plus le moindre signe de toi.
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