J'ai reconnu sa voix, tu l'aurais reconnue, Catherine quand ça va ou pas, on le reconnait à sa voix. Des années qu'elle n'avait pas appelé, elle appelait maman, je ne la remplace pas, elle ne m'appelait pas jusque-là, quelque chose s'est cassé sans doute, je retrouve sa voix sur mon répondeur, au milieu d'une phrase qui me parle d'espérance, je ne comprends qu'après que c'est le nom de la clinique où elle est internée. Je la rappelle elle ne reconnait pas ma voix, mais il suffit de mon prénom et la voilà rassurée qui me parle d'un dessin, un christ boursoufflé qu'on a cloué sur l'axe de l'abcisse et de l'ordonnée, son dessin la hantait, si ton dessin te hante tu n'as qu'à le couper lui aurait dit son frère elle avait refusé, le dessin la hantait mais elle l'aimait quand même, puis elle a dérivé m'a parlé de vieilles culottes, de culottes neuves achetées car les vieilles lui faisaient honte, de la nécessité de laver les neuves avant de les porter, un autre de ses frères avait refusé de le faire tu n'as qu'à te démerder ce qu'elle a fait dans le lavabo de la chambre de la clinique de l'Espérance. Je ne lui avais rien demandé tient-elle à préciser, puis elle dérive encore, me parle de son désir des hommes, elle ne m'en avait jamais parlé, des propos déplacés d'un prêtre qu'elle aimait bien malgré tout, car il lui avait dit que faire l'amour la première fois, ce n'était pas pécher, elle avait bien aimé aller à confesse s'entendre dire qu'il n'y avait pas faute. Elle dérive encore, me parle du slip sale de D. le vieux salaud que j'avais oublié, mais elle dit son nom et je me le rappelle, et je lui réponds qu'il n'y avait pas que le slip de sale chez D., ça la fait rire. Elle dérive encore je ne sais plus quoi dire et lasse d'un coup au milieu d'une phrase bonsoir et elle raccroche.
↧