Si tu voyais où nous en sommes, tant de bêtise accumulée, en cinq ans ce qu'il s'est passé, la course à l'imbécilité, ce n'est pas de ce qui console, pulsion de mort, petite mort pour les plus gâtés, mourir de jouir, s'évanouir d'inanité, ce n'est pas ce qui te consolerait. Courir vers le rien, n'y rejoindre personne, traverser son propre reflet, certains s'en sont satisfaits, chacun pour sa pomme tossée, pourrissant sur pied, si tu voyais où nous en sommes. Il faudrait éteindre la radio, écouter Le Voyage d'hiver, Dietrich Fischer-Dieskau, il faudrait s'abstraire, mais quoi, dans cet hiver sans neige, quelle trace laisse le voyageur qui s'évanouit, quel cortège, peu de corbeaux et pas de neige, un malheur tiède, des ragots de réseaux sociaux, il faudrait se taire, se fondre sous les nuages acides, s'enfoncer dans la fondrière qui cette année n'a pas gelé. Mieux vaudrait fermer ces journaux, les rouler en cornets, battre les chiens de notre rage, regarder la pluie délayer l'encre noire, désirer le soir, le retour de l'aimé, il aime Schubert, j'aimerais l'entendre chanter Le Voyage d'hiver, ça qui nous consolerait.
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