Il faut passer par le fleuve, nous y passons, tout passe, vaches sacrées le ventre en l'air, princes énervés, pousseurs aux barges chargées de gravier, de voitures neuves, le temps qui descend croise des vikings attardés, des saumons sans gravière pour frayer, des veuves de nautoniers, le bateau blanc du Horla. On s'installe sur la berge entre des bidons éventrés et des saules vêtus de haillons de plastique, ici ne pas chercher l'eau pure, c'est un fantasme frelaté, ici on est parisien par l'urine qui a serpenté depuis la capitale, le fleuve est chargé d'œstrogènes et l'estuaire peuplé de turbots transgenres et de barbues hermaphrodites. On ne vient pas là pour nager et rares sont ceux qui pêchent encore, on passe par le fleuve pour voir l'eau qui passe, dans le sens où elle doit passer, dans l'eau qui passe se voir passer, se demander ce qu'il s'est passé pour en être arrivé là.
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