Dans l'autre Italie qu'irrigue l'autoroute et les voies à grande vitesse, celle que traversent les Audi suisses qui foncent vers la Toscane, l'arrogance de Ferrero, de Barilla, les musées à la gloire des voitures et de Pavarotti, un monde de bruit. On comprend mieux qu'il faille couper la plaine, on se prend de sympathie pour les rangées de peupliers qui ploient sous le vent et lâchent dans l'air comme des fleurs de coton, il neige des chatons, c'est la Romagne, un pays de cinéma, on se rappelle un vers de Pasolini, on se souvient de Silvana Mangano, de son visage de cire, c'est la campagne près de Rimini où il neigeait des chatons lors du mariage de la Gradisca, je me souviens comme il neigeait chez Fellini. On se blottit sur des placettes à l'abri du vent, des enfants chevauchent des lions de marbre -c'était jour férié à Modène une fanfare a joué des airs militaires puis Bella ciao devant la cathédrale puis, deux rues plus loin, une manifestation de soutien à la Palestine (déjà la veille à Bologne, la voix d'une étudiante se brisant net au mégaphone au milieu des drapeaux au triangle rouge).
Enfin la géométrie des hauts murs de Ferrare, ces ombres savantes, le retable de Garofalo, le souvenir de Dominique Sanda, des bicyclettes impérieuses, les fresques scotchées du château d'Este, la vérité tremblante des rimes de Bassani.